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crawl in the backseat old friend, it is really all in your mind,
it is all in your mind. you look so tired of living like a kite, kite, kite, kite.
©bellamyvlake | open season high highs.

[ ... ] Je ne bouge pas. Seule, je reste là, assise au beau milieu du salon à sombrer dans la pénombre que supporte cette pièce qui comme le reste du monde me paraît sans espoir, là où le temps semble s'être arrêté, là où règne l'odeur infâme de l'amertume s'entremêlant grossièrement à cette effluve d'alcool permanente et nauséabonde qui me dégoûte toujours un peu plus chaque jour. Le regard vide, les jambes repliées contre moi, j'écoute le ciel pleurer depuis des heures. Je serre bientôt ma tasse au creux des mains et constate que la chaleur de l'infusion s'est dissipée certainement depuis un moment déjà dans l'air glacé. Soudain, un hurlement. Un cri, strident, à vous glacer le sang tant il transpire la douleur. Il me paraît empreint d'une telle souffrance que j'en laisse ma tasse me glisser des mains. Je ne cille pas. Ce cri, le mien, je l'entends; constamment. Mais il n'est pas réel. Il ne l'a jamais été. La télévision, alors seule source de lumière, attire mon attention et finit brutalement par me ramener à la réalité. Un mois, me dis-je alors. Trente-et-un jours, trente-et-une nuits. Quatre semaines à rester éveillée, 1,355 heures interminables, 44,721 minutes à ressentir un vide. Profond. 2,683,278 secondes à essayer de comprendre pourquoi. Pourquoi Reggie est parti. Pourquoi Reggie m'a laissé. Un mois, je souffle cette fois. Un mois, mais je ne comprends toujours pas. « Goddammit! » Un vacarme assourdissant envahit désormais la nuit paisible et je m'arrache à mes pensées. De la cuisine, je perçois alors le bruit d'un verre se briser au sol et il ne me faut pas deux secondes pour comprendre que le responsable ne s'agit bien sûr de nul autre que mon père. Je ne m'attarde pas plus longtemps et m'en vais le rejoindre à toute allure. S'il est deux heures du matin passées, je ne prends même pas la peine de lui demander où il a bien pu allé. « Oh, Lyla… My sweet sweet baby. You look so much like your mother. » Vu l'état pitoyable dans lequel il est, il y a fort à parier qu'il a passé la soirée à enchaîner les verres et à finir celui des autres. Comme hier, comme demain. « Would you shut up? Nana's sleepin'. » Je ne sais même pas ce qu'il est venu faire ici. Sa maison est à l'autre bout de la ville. Grand-mère dit qu'il s'y sent probablement trop seul, mais je pense plutôt que c'est un bon à rien qui ne vient que quand ça l'arrange. Soit tout le temps, finalement. Lorsque je le regarde, je me dis alors qu'il n'y a rien d'étonnant à ce que je sois si dysfonctionnelle. Tandis qu'il titube, son sourire niais disparaît. Ce que je raconte semble lui passer par-dessus la tête puisque je le regarde désormais en train de se servir un verre de ce qui ressemble à s'y méprendre à de l'eau mais qui bien évidemment n'en est pas. « What do you think you're doin'? » Là, il s'affale sur l'une des chaises placées autour de la table me faisant face et c'est avec toute la désinvolture du monde qu'il répond : « I'm fixin' to get drunk. Care to join? » Il est d'un ridicule achevé. C'en est assez. « Okay that's enough, you're already drunk. » D'un pas franc et décidé, je m'approche de lui et tente de lui confisquer le verre qu'il s'apprête alors à porter à ses lèvres. Je dis "tente" car, à peine ai-je le temps de tendre la main qu'il me pousse violemment de la sienne. Ma tête heurte la table, je vacille, et, bientôt, me retrouve au sol. Tout va trop vite. Beaucoup trop vite. Je mets un moment à réaliser ce qu'il vient de se passer. « No. I'm not. » Il ne s'excuse pas, ni n'a l'air désolé. Le lâche n'ose même pas me regarder. Assis sur sa chaise, il se contente simplement de faire ce qu'il sait faire de mieux : il boit. Encore et encore, et encore. Quant à moi, je ne me relève pas. Pas tout de suite. Je porte le bout de mes doigts à ma tempe et constate qu'un fil de sang est en train d'y couler. Malgré la douleur, un sourire narquois parvient à se dessiner aux coins de mes lèvres. « Look at yourself… You no better than the man who killed her. » Elle. Maman. Sa pauvre femme partie il y a trop longtemps et dont le décès l'a complètement déglingué. Ma mère, morte percutée par un ivrogne au volant alors qu'elle était enceinte de sept mois. J'avais cinq ans. Sur ces mots, ces mêmes mots que je me retenais de lui cracher à la figure depuis tant d'années, je vois soudain ses yeux briller d'une lueur nouvelle. Une lueur de colère, de haine, si forte, si intense qu'il se lève. J'en attendais pas moins. C'est non sans mal que je fais alors de même. « Wherever she is, I hope she doesn't get to see how pathetic of a man you've become. » Lentement, doucement, je m'avance vers lui à mesure que j'articule tandis qu'il ne tarde pas à se retrouver le dos contre la porte. Vingt centimètres à peine séparent maintenant son visage du mien. Son haleine empeste tellement l'alcool que j'en ai des haut-le-cœur. Dans un murmure, je poursuis. « You're a piece of shit, Dad. You wanna drink? Fine. Drink. Drink all the booze in town for all I care. Just do it at your place where you won't be botherin' anyone but yourself. » A cet instant, je ne saurais mettre un mot un seul sur ce que je ressens. Il n'est pas normal qu'une fille ait à dire de telles horreurs à son père. Est-ce de la légèreté, de la culpabilité ? Le soulagement de lui avoir dit ses quatre vérités ? Les secondes passent et il ne dit rien. Pas même un mot. Il reste planté là, tel un gosse qui vient de se faire sermonner. Il me regarde, me fixe, me dévisagerait presque. Son air flegmatique me donne envie de le secouer. « Jesus, you need to do something about that southern drawl. You Mississippians have got to learn how to talk. » Le sourire qu'il arbore me donne envie de vomir. Je n'en peux plus. « Get out. Get the fuck out. » Si ce n'était pas pour Grand-mère, je jure qu'il y aurait déjà bien longtemps que j'aurais abandonné.



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now i've watched all my castles fall, they were made of dust, after all.
someday all this mess will make me laugh, i can't wait, i can't wait, i can't wait.
©moi-même | if i ever feel better phoenix.

Je me souviens de tout, de nous, mais surtout de toi. Je me souviens de tes yeux, de nos rires, de ton sourire. De tes mots et de ceux que je n'ai jamais su te dire. Tu sais Reggie, je me souviens du soir où j'ai appris que tu étais parti. Cette nuit là, les reflets argentés de la lune se perdaient sur le bitume humide tandis que mes pas, hasardeux, m'entraînaient devant chez toi. Cela faisait désormais des semaines que nous nous étions ni vus ni même croisés. Tu ne retournais aucun de mes messages, aucun de mes appels. Je savais que tu m'évitais, que tu ne voulais pas me voir, que tu ne voulais pas m'entendre. Seulement moi, j'avais besoin de te voir. J'avais besoin de t'entendre. Te dire à quel point tu me manquais, savoir comment tu allais. Alors évidemment, à la vue de cet appartement vide, ton appartement vide, j'ai soudainement eu l'impression d'être venue me perdre dans un monde où il n'y avait plus que moi, seule. Cette époque s'éloigne toujours un peu plus chaque fois que le jour se lève. Tout me semble si lointain désormais. Tout n'est plus que passé. Souvenirs. Des souvenirs qui font mal. Parce que ton absence me fait mal. Elle m'envahit, me brûle, me ronge. Alors si un jour, nous sommes amenés à nous rencontrer dans nos nouvelles vies, je veux que tu te rappelles que je mentirais lorsque je te dirai que je n'y pensais plus et que ça ne me faisait plus rien. Je mentirais lorsque je te dirai que ton absence m'importait peu, et qu'à tes silences, je ne pleurais jamais. Je mentirais lorsque je te dirai que je ne souffrais pas, que je pensais à autre chose qu'à toi parfois. Aujourd'hui depuis trop longtemps, mes doigts dansent sur les touches poussiéreuses du vieux piano du salon tandis qu'une symphonie de notes emplit la maison toute entière, se mélangeant alors au doux murmure des vagues de ce matin d'hiver. Cette mélodie que je te dédie parviendrait presque à combler le vide que tu as laissé dans mon cœur. Presque, car une fois qu'elle tire à sa fin, cette sensation de néant reprend aussitôt le dessus. Cette mélodie que je te dédie, elle porte ton nom Reggie. Elle t'appelle. Elle t'appelle, et même si ça m'est douloureux, elle continuera à t'appeler, jusqu'à ce que tu répondes…

Je mentirais si je disais que je n'y pense plus et que ça ne me fait plus rien. Je mentirais si je disais que ton absence m'importe peu, et qu'à tes silences, je ne pleure jamais. Je mentirais si je disais que je ne souffre pas, que je pense à autre chose qu'à toi parfois. T'as disparu. Comme tout le reste. - - - - - -